Conte intemporel sur l'amour !

Call me by your name, Luca Guadagnino

Il y a des films comme ça, qui ne nous lache plus jamais après le premier visionnage. Des films qui trainent une aura de poésie, si douce et enivrante qu'on ne pourra plus jamais se défaire de leur marque. Call me by your name, est à n'en pas douter un de ces films. L'amour y est raconté avec tant de délicatesse, et de justesse. Dans une atmosphère riche, d'un petit village italien, dont la tragique beauté raconte le passé glorieux d'un Empire romain lointain. Mais tu en penses quoi toi de l'amour ? Dis moi camarade ! Penses-tu que l'amour connait les différences de l'âge ? Crois-tu que l'amour, le vrai, se souci du sexe de la personne dont la simple vue provoque la déchirure de la chaire de ton coeur ? Dans ce sublime conte suspendu, en dehors du temps, le cinéaste italien Luca Guadagnino, adapte intelligemment le roman éponyme d'André Aciman. Il filme, la naissance inconsciente du désir, sa maturation, et son effusion. Et rien n'est plus charmant, que le cadre dans lequel se déroule cette histoire. Une maison de lettres, de livres, de fruits, de langues. Parce que oui, Elio, le personnage principal, est le fils d'un éminent universitaire, qui reçoit tous les étés, dans leur maison du sud de l'Italie, un doctorant qui travaille sur sa thèse. Et cette année-là, la famille reçoit Oliver, un bel américain assez singulier, mais tout à fait charmant et charmeur. Elio découvre alors progressivement son intérêt grandissant pour cet étranger, qui a le talent de l'agacer autant que de le fasciner. La palette de couleur, et l'ambiance très années 80, ajoutent un supplément d'âme à cette oeuvre totale. Depuis 2017, l'année de sortie du film, et depuis la lecture du roman, j'ai revu le film 9 fois, et je pourrais le recommencer pour une dixième fois. Et pour tous les amoureux des langues, on navigue joyeusement entre le français, l'italien et l'anglais, ce qui n'est pas pour nous déplaire. Vas-y fonce camarade, si tu ne l'a pas déjà vu.

La rudesse des sentiments !

La Pianiste, Michael Haneke

Dans ce chef d'oeuvre signé, Michael Haneke, une professeure de piano à l'apparence sévère, interprétée magistralement par l'immense Isabelle Huppert, se prend de passion pour l'un de ses élèves, beau et blond, interprété par le jeune Benoit Magimel. Et comme souvent chez Haneke, tout se passe presque hors champs, il y a un invisible permanent qui raconte les personnages, les dévoile à notre insu. La tragédie, n'est jamais grandiloquente, elle dort à l'intérieur du personnage, et survient quand on l'attend le moins. le banal chez Haneke recouvre une dimension puissante et bouleversante. Et puis, il y a l'étrange, le bizarre, la violence sourde, ce qui déroute, véritable signature de l'oeuvre du cinéaste autrichien. Dans ce film, Erika, qui n'a jamais eu la carrière de pianiste dont elle rêvait, et qui partage un appartement avec une mère abusive, et dépendante affectivement, a développé une certaine aigreur, et une jalousie maladive envers une de ses élèves dont le talent est certain. En parallèle, elle tombe amoureuse de cet élève beau et sportif, beaucoup plus jeune, qui malgré une rigueur approximative est animé par un certain génie. Pour un coeur malade comme le sien, l'apparition si soudaine de sentiments aussi puissants, ne peut engendrer que la tragédie la plus muette, et mener à l'autodestruction. le film est poignant et brillant, donc je te le recommande fortement camarade. C'est par ailleurs par celui-ci que j'ai été introduit à l'oeuvre cinématographique de Haneke, et il n'y a pas mieux pour pénétrer dans son travail.

Jouer jusqu'en enfer !

La Baie des anges, Jacques Demy

Le jeu est un tourbillon violent et ravageur qui ne laisse jamais rien sur son passage. Il peut griser celui qui s'en approche, car à bonne distance, il y a de quoi être séduit. On se sent légèrement emporté, l'adrénaline, la sensation imprécise de danger. Mais malheur à celui qui nourrit l'illusion de pouvoir dompter ses vents. Dans ce film mélancolique, et joyeux, Jacques Demy met en scène Jeanne Moreau, dans le rôle d'une joueuse invétérée, accro aux cartes, et à la roulette, dont la vie instable est un mystère. Elle rencontre un jeune homme, en quête d'aventure, qui lui aussi commence à gouter aux joies des casinos. Elle l'entraine assez rapidement dans une spirale autodestructrice, où l'on passe du million de gain à la dette en un instant. Sans jamais rien dévoiler de la vie de cette femme belle comme le ciel, le cinéaste nous fait parcourir les méandres de cette romance qui naît entre elle et le jeune homme. Il explore sans complaisance la question de l'addiction au jeu, en exposant de manière fidèle les subtilités de la mentalité de la personne dépendante. Le noir et blanc de la photographie est tout simplement somptueux, et convient particulièrement bien pour montrer cette Côte d'Azur des années 60, qui avait déjà certes toute sa magie, mais n'était pas encore le lieux de toutes les exubérances que l'on connait aujourd'hui. Je suis littéralement tombé amoureux de Jeanne Moreau dans ce film, dont le blond de ses cheveux, et le brushing impeccable ne sont pas sans rappeler Marilyn Monroe. Et comme je disais au début, j'ai trouvé ce petit bijou d'une tendresse, d'une mélancolie, et d'une joie sans nom. Il permet vraiment de réfléchir sur la question du bonheur, et de l'insouciance d'une manière intéressante, et c'est pour toutes ces raisons que je te le recommande vivement camarade. En plus ça permet de prendre l'oeuvre de Jacques Demy par un bout très singulier qui moi m'a plu.

Les turbulences de la passion !

Happy Together, Wong Kar-wai

Il nous arrive parfois de rêver à un amour volcanique, qui nous consumerait. Il nous arrive d'espérer tomber un jour amoureux si intensément d'une personne que le simple fait d'envisager la vie sans cette personne puisse nous donner la mort. Il peut même parfois nous arriver de songer à ce que serait une relation orageuse, tumultueuse faite de coups, de cris, et de sexe. Comme il est simple dans nos esprits de mêler l'amour et la violence, c'est si romantique. Ça pique, ça cogne, ça gratte, ça blesse, mais ça peut tuer aussi. Dans ce très grand film du cinéaste chinois Wong Kar-wai, on suit les pérégrinations d'un jeune couple venu de Hong-Kong pour tenter l'aventure en Argentine, et surtout voir ensemble une cascade magnifique qu'ils n'avaient vu alors qu'en image. Lai, est un jeune homme sérieux et travailleur, qui est prêt à s'en sortir, tandis que son petit-ami, Ho est plus désinvolte, casse-cou et irresponsable. Arrivés en Argentine, après une séparation brève, les deux jeunes hommes se retrouve à nouveau ensemble, lorsque Lai est contraint d'héberger Ho, dont la vie de trublion ne lui cause que des emmerdes. Et c'est dans un petit appartement misérable, que se déroule une grande partie de ce film bouleversant. Le metteur en scène, avec un talent précoce assez rare, déplie les évènements qui vont mener le couple jusqu'au point de non retour. Il nous conte la cruauté qui peut exister en amour, et surtout l'impossibilité de construire une vie à deux lorsque les fondations sont pourries. Ho, comme une véritable sangsue, profite abondamment de l'hospitalité de Lai, exploite son amour, et ne manque pas une occasion de lui vomir à la figure toute son ingratitude. Il ne sait que mal aimer, et ne peut qu'attiser chez Lai les braises de ses plus bas instincts. On observe progressivement Lai, sombrer dans la paranoïa, terrorisé à l'idée que Ho le trompe. Un jour les coups pleuvent, et le lendemain, la plus grande douceur et tendresse s'installe entre les deux. Et l'appartement, théâtre de leur amour malade, change d'aspect, se métamorphose tout au long du film, au gré du courant de leur passion. Dans le film, la caméra de Wong Kar-wai ne cesse de nous surprendre, les plans sont inventifs, et le choix des couleurs est également hautement symbolique, tout comme la métaphore de la cascade. Car oui j'oubliais de mentionner qu'une partie de film est en noir te blanc, et l'autre en couleur. Je pourrais continuer pendant des heures à parler de ce film, mais le mieux c'est que tu ailles le voir pour te faire ton opinion. Je te le recommande donc vivement mon ami.

La tragédie d'un mensonge innocent !

La Chasse, Thomas Vinterberg

La vérité sort toujours de la bouche des enfants ? Et bien pas chez Vinterberg. Ce film terrible relate le déchirement de toute une commune, et d'un groupe d'amis, après l'accusation par une petite fille de 6 ou 7 ans, de son maître d'école maternel, interprété par le génial Mads Mikkelsen, d'agression sexuelle. Après la stupeur, tout le village est frappé par l'incompréhension, et progressivement, ils deviennent tous juge et procureur, et l'engrenage diabolique est enclenché. Progressivement, le maître d'école est ostracisé, d'abord il ne lui est plus permis d'approcher l'école maternelle, puis la famille de la petite fille, qui s'avère être celle de son meilleur ami, s'assure qu'il est banni de tous les évènements locaux. Il est même bientôt agressé, et sortir de chez lui devient assez vite une corvée. Ce film, est assez implacable dans sa démonstration, des phénomènes de meute. Il questionne beaucoup la question de la vérité, et surtout la place que l'on veut bien lui accorder. Car à un moment du film, un évènement survient, qui pourrait donner l'occasion aux parents de la petite de réviser leur jugement et de croire leur ami, mais ils ne font rien, car le mensonge est devenu plus convenable. On retrouve toute la troupe d'acteurs fétiches de Vinterberg, et c'est toujours un bonheur de les voir jouer ensemble à l'écran. Je te recommande ce film Camarade, idéal pour un samedi pluvieux, où tu veux rester à la maison et glander.

Au nom du seigneur !

Le Ruban Blanc, Michael Haneke

Dans un petite village allemand sans histoire, peu de temps avant la guerre de 14, alors que tout y semble immuable, le poids des traditions comme l'ordre social, survient une série d'incidents plus ou moins graves, qui vont lourdement impacter cette petite communauté protestante du nord du pays. Le film est en noir et blanc, et le spectateur est guidé par une voix off, qui narre l'histoire, avec un certain détachement dans l'intonation, qui dénote particulièrement avec la gravité de ce qui se passe. Il s'avère que le narrateur est lui-même un des personnages du film, et que le récit qu'il fait donc des évènements, n'est que l'expression d'un point de vue, ce qui contribue à conserver le mystère de l'intrigue. Car toute la question, qui tient en haleine le village et le spectateur, est celle de savoir, qui commet toutes ces atrocités. Je ne crois pas que l'on comprenne tout de ce film dès le premier visionnage, il faut le voir deux ou trois fois pour saisir toute sa puissance symbolique. Comme souvent chez Haneke, il n'y a aucune démonstration, rien n'est expliqué, et la tragédie embrasse l'absurde, et l'étrange. Tout est ambivalent, le bien comme le mal sont commis au nom de dieu, et le spectateur est laissé orphelin face à la question du châtiment, de la punition. Qui détient l'autorité morale, pour punir, châtier le mal, la déviance ? Le plus surprenant, c'est la sensation de paix, et de tranquillité qui émane de ce village gangréné par le secret et le vice. Une impression soutenue par la place prépondérante des enfants dans l'histoire. Des enfants, image de pureté et d'innocence, qui sont pourtant contaminés par le poison du mal, et qui en sont des vecteurs dans le village. Je dirais que le film est très probablement aussi une fable sur la moralité protestante hypocrite. Comme si le cinéaste nous donnait à voir l'impossibilité de se hisser à la hauteur de la vertu, et de la pureté érigées en valeur absolue. L'atmosphère que semble favoriser une religiosité exacerbé d'apparence, est celle de la duplicité ou encore du péché. La guerre qui lorgne, et qui viendra bientôt tout effacer, a une connotation de fin du monde. Ce film a valu à Michael Haneke sa première Palme d'Or à Cannes, et de mon humble avis, c'était largement mérité. C'est à tout point de vue l'un des plus grand film de toute l'histoire du cinéma, et pour cette raison, je te le recommande chaudement camarade.

Un coeur farouche !

Rosetta, les frères Dardenne

Rosetta est un film qui m'a bouleversé, et ému aux larmes. La brutalité de son propos, la froideur de l'image, et le caractère sauvage de son personnage principal m'a saisi d'un bout à l'autre sans jamais que je ne songe au monde extérieur. J'étais dans e film, comme piégé. Les metteurs en scène, célèbres pour le talent avec lequel il film les marges, ont réussi ici un tour de force. Celui de nous embarquer dans une sublime oeuvre de fiction, qui pourtant donne l'impression d'un documentaire. Tout y est si vrai. Le bruit des voitures traversant l'autoroute, l'humidité du bois qui borde l'autoroute, la laideur, et la tristesse. ce film transpire le vrai, au point que ça en devient terrifiant. Les réalisateurs parviennent à traiter la question de la misère la plus dure, avec un certain feu. Le feu qui anime la jeune Rosetta, interprétée par Emilie Dequenne. C'est donc l'histoire d'une enfant, d'une jeune fille, qui n'a pas choisi où elle est née, mais qui a bien l'intention de s'en sortir. Elle n'a pas choisi sa mère, demi prostituée, et alcoolique. Cependant elle compte maintenir sa dignité. Pour Rosetta, sauvegarder sa dignité passe par le fait de travailler, d'exercer un métier. La quête de sa jeune existence est ainsi celle de l'emploi. Elle découvre alors un marché du travail cruel, qui exploite, épuise les corps, puis jette ceux dont il n'a plus l'utilité. Comme une acharné, elle va se débattre pour garder un boulot, et sa détermination va la pousser dans des extrémités presque sans retour. On peut s'empêcher néanmoins d'être attendrit par elle. Elle est robuste, féroce, indocile, mais à dans le même temps très vulnérable. Et puis je ne peux ne pas faire mention de la grande modernité de ce personnage, qui malgré un caractère que l'on qualifierait de masculin, elle semble embrasser également sa part de féminin sans jamais s'excuser d'être qui elle est. Cela est peut-être anecdotique, mais je me permets d'avancer cette théorie, au regard du fait qu'elle alterne entre le port de la jupe et celui du pantalon de manière complètement délibérée. En bref j'aime énormément ce film, et je te le recommande camarade, c'est vraiment l'une des meilleurs Palme d'Or de ces trente dernières années.

Le goût amer de l'argent !

Anora, Sean Baker

Je ne connaissais pas le travail de Sean Baker avant de regarder Anora. J'avais juste rapidement lu un article de Télérama qui disait l'amour de sa caméra pour les marges, et le caractère viscéral de ses films. Alors en commençant le visionnage de ce petit bijou, je n'avait pas vraiment d'aprioris, mais je ne m'attendais certainement pas à être autant séduit. C'est l'histoire d'une stripteaseuse, sans réelle ami, ni avenir, qui va un soir danser pour un jeune garçon russe dont les parents sont multi-millionnaires. Dès le départ le cadre est fixé. Il ne s'agit pas d'une histoire d'amour, ni d'une histoire d'amitié, ni de découverte de sentiments. Rien de tout ça. Il s'agit de faire semblant. Tout est faux, mais il faut prétendre que c'est vrai, parce que sinon ce n'est pas marrant. Le riche garçon pourri gâté, sans but dans la vie, qui achète tout ce qu'il désire, ce qui comprend aussi la compagnie des gens, fait semblant de tomber amoureux de la stripteaseuse. De son côté, elle qui voit enfin en lui une opportunité d'échapper à sa condition, et d'enfin goûter à la vie luxueuse dont elle a toujours rêvé, fait semblant de jouir quand il la baise, fait semblant de l'apprécier, alors qu'elle ne peut s'empêcher au fond de le trouver un peu ridicule. Le spectateur se laisse prendre à ce petit jeu de dupe l'instant d'une scène, le mariage à Vegas. Mais très vite, tout comme les personnages, nous sommes rappelés à la dure réalité. Un riche jeune homme, n'épouse pas une prostitué sans déchainer la colère des dieux. Dans ce cas précis, les dieux sont les parents russes, qui vont ordonner depuis la Russie, que ce mariage soit annulé, ce qui va faire entrer le film dans sa dimension tragi-comique digne d'une production des frères Cohen. En général j'ai été très surpris pas le ton du film, qui alors qu'il traite d'un sujet que le genre dramatique adore mettre en image, il ne tombe justement jamais dans cette facilité. Il voyage entre le burlesque, et une forme assez joyeuse de romanesque bouffon qui surprend mais ne déplait jamais. L'intelligence avec laquelle le réalisateur nous ramène ensuite dans le drame est vraiment remarquable. Alors que ça cri et ça hurle beaucoup dans le film, l'emploi du silence est tout à fait prodigieux. Il intervient comme l'endroit de la vérité. L'endroit où on ne fait plus semblant. Il est même représenté par un personnage, secondaire dans l'intrigue, mais majeure pour la compréhension du personnage d'Anora, à travers des yeux duquel se lit la cruauté de ce que vit la pauvre stripteaseuse. La caméra de Sean Baker est toujours juste dans ce qu'elle montre et ce qu'elle dissimule. Elle est même virtuose à certains moments, et je pense en particulier à une scène à la fin du film dont je ne dirais rien. Fonce regarder cette pépite tu ne seras pas déçu. Je n'ai pu retenir mes larmes lors de la dernière scène, qui nous dévoile enfin la vulnérabilité et la grande fragilité de cette Anora que l'on ne voyait que intrépide et courageuse, et toi non plus te ne pourras pas je pense.

Le trouble d'un désir opaque

Borgo, Patrick Demoustier

J'ai eu besoin de revoir ce film une deuxième fois avant de t'en parler camarade. Je me souvenais l'avoir vraiment beaucoup aimé, mais je craignais d'être trop élogieux dans ma critique alors que le film n'est objectivement pas un chef d'oeuvre. Attention, je ne dis pas par là qu'il n'est pas excellent, car ce serait mentir que de ne pas lui reconnaître la perfection de son scénario, et la grande efficacité de sa mise en scène. C'est l'histoire, d'une matonne, gardienne de prison, qui emménage avec sa famille en Corse. Elle a quitté la région parisienne pour prendre un nouveau départ avec ses deux enfants et son mari. Malheureusement, son installation en Corse ne se passe pas très bien. Sa famille et elle ne parviennent pas à se faire accepter par leurs voisins, et ils subissent des intimidations. Alors qu'elle prend ses marques au sein de la nouvelle prison, où elle exerce, elle tombe sur un prisonnier qu'elle a connu sur le continent, et qui a lui aussi été transféré sur l'île pour finir sa condamnation. En découvrant qu'elle a des problèmes avec ses voisins, il va se servir de son influence pour faciliter la vie de la gardienne, interprétée par la bouleversante Hafsa Herzi. A partir de là, un dangereux pacte tacite se noue entre les deux. Sans vraiment s'en apercevoir, elle lui est devenue redevable. Et comme un service rendu n'est jamais gratuit dans le monde de la haute criminalité, le personnage de Hafsa Herzi se retrouve dans la position où elle doit rendre la pareille. L'histoire est aussi simple que ça, mais la force d'incarnation de Hafsa Herzi, et des autres acteurs, fait basculer le film dans une autre dimension. Avec une montée d'adrénaline sans interruption jusqu'aux dernières scènes, le réalisateur parviens à nous garder en haleine tout du long, et réussi le miracle de faire de chacun scène un élément indispensable à la compréhension de l'intrigue ou de la psychologie des personnages. Le film ne traine jamais et va droit au but. Il est maîtrisé de bout en bout, et offre l'espace de jeu que mérite une grande actrice comme Hafsia Herzi. Je reparlerai bientôt d'elle dans un autre film où elle a littéralement crevée l'écran, mais je peux déjà dire que son talent est de la même race que celui de l'Immense Isabelle Huppert. Si je me permet de dire cela, c'est parce que dans ce film en particulier, alors le coeur de l'intrigue est ailleurs, on comprend assez bien qu'en réalité, cette gardienne de prison, à l'apparence si sage et vertueuse, a une nature duplice. Il existe en elle tout un monde qui échappe au spectateur, tout comme il échappe à son mari, aux enquêteurs. Ses motivations sont secrètes, mais son désir d'être vu et aimé semble guider ses choix. Bref fonces matter ce film mon ami il en vaut la peine, crois moi.

Les métamorphoses de l'amour

Lobster, Yórgos Lánthimos

Cette fable inspirée et étrangement poétique plonge le spectateur dans un monde dystopique dans lequel les célibataires, sont mis en quarantaine dans un hôtel, dans le but de trouver un ou une partenaire. Ceux qui échouent à se mettre en couple, sont transformés en l'animal de leur choix. Le personnage principal, interprété par Colin Farrel, se retrouve ainsi dans cet hôtel, en quête non de l'amour, mais d'une relation amoureuse, accompagné d'un chien, qui se trouve être son frère. Le film est truculent, et délicieusement austère. Les couleurs sont froides, et presque livides, pourtant la tendresse qui se dégage de ce personnage ne manque pas de nous réchauffer le coeur. J'aime la manière avec laquelle le film dresse une satire de nos sociétés modernes allergiques au célibat. En effet, cet hôtel peut être perçu comme une transposition grandeur nature des applications de rencontre. Le paradoxe de ces applications y est bien mis en évidence, ce qui nous pousse à réfléchir, surtout lorsqu'on en est utilisateur comme moi. A savoir que dans le même temps où elles nous enjoignent de trouver l'amour, ne voulant pas être le looser qui ne sera pas parvenu à trouver son âme soeur, on en vient à mettre de côté l'amour, et à rechercher à la place juste une relation de couple. Dans le film, il existe un groupe de résistants, qui ont fuit l'hôtel, et vivent dans la forêt qui le borde. Ces personnes revendiquent, contrairement à la politique de l'hôtel, une vie de célibat, et leur loi est de n'admettre jamais aucune relation amoureuse dans leurs rangs. Ainsi, que l'on soit à l'intérieur de l'hôtel ou à l'extérieur, au sein de la résistance, la liberté n'est nul part. Le personnage de Colin Farrel est donc confronté à cette réalité oppressante, et son sort va se compliquer lorsqu'il va tomber amoureux d'une jeune femme, alors qu'il a rejoint la résistance. Il est intéressant de remarquer comme la résistance va à son tour se transformer en machine à répression des couples, elle qui défend pourtant la liberté de ne pas être forcé à se mettre en couple. On peut voir là une critique subtile et détourné des mouvements révolutionnaires ou simplement d'opposition, qui alors qu'ils luttent contre l'obscurantisme, ou contre les tyrannies, finissent presque toujours par se muer en force tyrannique. Et l'amour dans tout ça ? Et bien c'est ce qui donne à ce film sa puissance, et toute son étrangeté. Avant de conclure cette petite critique, il fallait que je te parle de la langue de ce film. Si l'atmosphère est particulière et originale, comme dans tous les films de Yórgos Lánthimos, la langue est tout aussi singulière. Elle oscille entre la rigueur et la beauté de la langue théâtrale, et la trivialité ou la simplicité de la langue administrative. Et par simplicité j'entends pauvreté, absence de lyrisme. Je te recommande chaudement ce chef d'oeuvre camarade alors fonce le regarder et ne perds pas de temps.

De la tragédie d'être belle !

Malèna, Giuseppe Tornatore

Alors que je ne me sentais vraiment pas bien, il y a deux jours, embourbé dans une crise aiguë de mélancolie, j'ai décidé après réflexion que j'allais mettre en pause mes activités et regarder un film. Je suis alors tombé sur Malèna sur Arte. Je n'ai pas hésité une seule seconde. Ça des années maintenant que ce film est devenu cultissime et que l'on retrouve un peu partout sur les réseaux, des séquences du film. Je pense en disant cela à la fameuse scène dans laquelle on voit la sublimissime Monica Belluci dont le nom du film est tiré du nom de son personnage, traversé une place italienne, s'asseoir à la terrasse d'un café, sortir une cigarette et attendre que la dizaine d'hommes autour d'elle lui propose leur briquet. Rapidement, le film, qui se déroule durant la seconde guerre mondiale dans une petite ville de Sicile, nous raconte à travers les yeux du jeune Renato, l'histoire d'une femme si belle, que tout le monde en était fou. Lui-mémé, le fameux Renato tombe sévèrement amoureux de cette femme, sur qui l'on raconte beaucoup de chose, mais dont personne ne connait vraiment l'intimité. Il va se mettre à la suivre et ne plus la lâcher du jour où il va la voir pour la première fois au jour où elle sera lynché et tondue sur la place du village. Alors que la grande histoire bat son cours, et que l'Italie est progressivement entrain de perdre la guerre on suit dans le même temps l'éveil adolescent de ce charmant Renato, qui découvre les choses de l'amour et du sexe. Les plans dans ce film sont très bien pensés, et le scénario est très intelligent et subtile. J'ai adoré ce film sensuel, évocateur, et puissant qui est déjà dans mon panthéon personnel. Je te le recommande donc chaudement. Mention spéciale pour Monica Belluci qui dedans est juste bouleversante, et d'une beauté à couper le souffle.